Mercredi 1 Septembre 2021


Aventure: Agathe Poignet-Ghisse et ses Zig-Zageurs sur le GR20 de la Corse



Passionnée de trail et de la grande aventure dans les sentiers, Agathe Poignet-Ghisse a embarqué son mari Yann et cinq de leurs amis sur la célèbre traversée du GR20 de la Corse, son île d’origine.



La bande à «Z’Agathe l’Abeille» a réussi la traversée du GR20
L’intrépide «zoéréole» de l’Entre-Deux en a bavé, tout comme tous ses compagnons de route, dans le froid, la pluie, le vent, dans des conditions parfois dantesques. Ils ont réalisé ce formidable défi, sur plus de 200 km avec un dénivelé de plus de 11 000 mètres en 16 étapes, en 7 jours… "La vie est une aventure audacieuse ou elle n'est rien", disait l’Américaine Helen Keller…


Nous avons donné carte blanche à Agathe Poignet-Ghisse -alias l’abeille des Zig-Zageurs- qui nous a fait partager à travers son passionnant récit, des moments vécus sur ces sentiers bien «corsés» de l’île de Beauté.
 


Le GR20 ça claque, ça explose, ça envahit, ça tue, ça ensorcelle, ça transcende, ça unit, ça se vit passionnément! Cela faisait des années que ça nous trottait dans la tête à mon Bourdon et à moi-même, et voilà qu’au moment du confinement on s’est vraiment dit «Allez chiche! On le fait! Besoin d’air, de liberté, d’exploit, de partager quelque chose d’unique, de se surpasser sportivement et mentalement!».


Le GR20 était le candidat parfait, celui que nous avons retenu sans beaucoup réfléchir, d’office! Pourquoi lui? La Corse est mon île natale, j’y suis née, j’y ai passé toute mon enfance, mon adolescence, mes racines sont encore là-bas, avec une partie de mon cœur (une partie seulement, l’autre partie est ici, sur mon île de cœur à défaut d’être mon île de sang…).
 
Je ne me suis mise au trail qu’en arrivant ici à La Réunion. Avant je n’étais absolument pas sportive bien que depuis toute petite proche de la nature et partant m’évader dans le maquis corse et sa nature sauvage tout le temps.
 
Ayant appris à connaître les sentiers "réyonés", l’envie d’aller taquiner les sentiers corses, dont on nous parlait si souvent, particulièrement de ce mythique GR20, réputé le plus dur et le plus beau d’Europe, a grandi en nous.
 
 

Agathe l’abeille, Yann son mari et Faby sa meilleure amie

Un an de préparation
Il y a plus d’un an donc, nous en avons parlé à des amis, et partager ça avec mon amie précieuse Faby était devenu une évidence, un doux rêve qu’on le réalise ensemble. Retourner sur ma terre natale et la faire découvrir à Faby était si important pour moi… Je savais d’avance que cette aventure unique je voulais la partager avec des amitiés fortes, privilégiées et uniques elles aussi.
 
Nous avons donc réuni un groupe de 7 zamis. 5 Zigzagueurs: Faby, son zézère René-Fred, Djé (un zigzagueur des premières heures, fidèle ami et toujours partant!), un couple d’amis de 25 ans en arrière, Dijonnais, Marie et Fabrice, et nous, la Zabeille et son Roi des Bourdons.


Plus d’une année a vraiment été nécessaire pour organiser une telle aventure. Et avec les conditions toujours changeantes et contraignantes de la crise Covid ça n’a pas été de tout repos… Yann a été un vrai tour Ooperator, hors pair!!!
Un an ½ après nous voilà réunis sur ce GR20!
 
La majorité des randonneurs parcourt les quelques 200 km et grimpe les plus de 12 000m de dénivelé positif en 15 jours (16 étapes en tout).
Notre défi à nous était de parcourir ces 200 km, du Nord au Sud (la moitié Nord étant bien plus difficile que la moitié Sud, nous avons préféré commencer par le plus dur, avec nos jambes encore fraîches…), en 8 jours, doublant et parfois triplant les étapes. Même pas peur!
 
Nous l’avons relevé ce p… de défi et avons même fait mieux puisque nous avons rallié le village de l’arrivée, Conca, en 7 jours au final!!!

Dès la 1ère journée nous avons été mis au parfum vite fait bien fait!
Mais que c’est lourd un sac de 8-10kg!
Mais que c’est technique toute cette caillasse, ces pierriers!
Mais que c’est hostile ce relief!
Mais que ça grimpe, que ça glisse, que ça brûle les épaules, les cuisses, les mollets!
Mais qu’il est vicieux et sadique le mec qui a tracé ce parcours!

Le plus difficile a été d’enchaîner les étapes, jour après jour, d’habituer nos épaules à porter lourd, encombrant, nos pieds et nos chevilles à marcher sur des roches instables sur des kilomètres, toujours en déséquilibre, nos muscles à bouffer du dénivelé avec des pourcentages de pente nous obligeant régulièrement à y mettre les mains, avançant à 4 pattes, escaladant, tirant, poussant sur nos bras qui n’en avaient pas l’habitude.
 
 

Le groupe de dalons de sentiers au complet, au passage de leur 1er col: Bocca à u Saltu. De gauche à droite: Zagathe, René-Fred, Faby, Yann, Marie, Fabrice et Djé

La 2ème et la 3ème journée ont été les plus rudes 


Nous avons vécu des journées de plus de 14h de marche, l’épreuve des pierriers interminables, des passages de cols dans des conditions météo dantesques (pluie, vent, froid… des conditions jamais vues pour un mois de Juillet depuis des décennies, bravo!), passant par des crêtes étroites, vertigineuses, le vent s’engouffrant dans nos housses de sacs à dos, nous emportant dangereusement vers le vide, la peur toujours au ventre d’être emportés par le poids de nos sacs, déséquilibrés et manquant de partir en arrière régulièrement…
 
Lors d’un passage rocheux délicat, à descendre à l’aide d’une chaîne métallique, en mode «rappel» mais sans être assuré, je me souviens avoir totalement perdu mon sang froid. Sous la pluie, le vent, descendant la 1ère par cette voie, je suis restée bloquée, tétanisée à la moitié de la descente.

Mes mains gelées autour de la chaîne, je ne pouvais plus ni descendre ni remonter. J’étais totalement bloquée. Pour la première fois de ma vie j’ai paniqué. Je ne savais plus quoi faire. J’entendais les voix mélangées des copains qui me criaient quoi faire, où mettre mes pieds mais il m’était impossible de faire quoi que ce soit. De toute façon je ne comprenais rien à ce qu’ils me disaient, ils me parlaient tous en même temps, et j’avoue que je me suis sentie seule au monde… Démerde a ou ti fille!!!
 
Et puis j’ai tenté une pose de pied à tâtons et j’ai enfin réussi à progresser… et à toucher la terre ferme. Cette sensation de vertige, de panique, ça ne m’était jamais arrivé avant. Je suis d’habitude plutôt intrépide et téméraire mais là, j’avoue que la panique s’est emparée de moi!
 

Après 15 heures à avancer sur les crêtes, à gravir des cols escarpés, à nous geler les miches, à nous perdre dans le brouillard, la pluie et le vent nous cinglant le corps tout entier, nous sommes arrivés exténués et transis de froid au refuge.

Je ne rêvais que de ça depuis des heures: me réchauffer dans une salle avec les autres, bien manger et enfin aller me coucher dans ma tente, bien au chaud dans mon sac de couchage. Et là, c’est le drame!!! Pas de pièce fermée pour nous accueillir, les repas sont servis dehors, sur une terrasse sommaire, avec ce vent glacial qui ne nous quitte pas. Je me souviens avoir dit au mec: «Ah non!!! ça c’est pas possible! Jamais je ne mangerai dehors!».
 
Mais malheureusement pas le choix… Nous n’avons même pas pris le temps de nous changer. Nous avons englouti le repas minable servi par le refuge, le plus vite possible, avant d’aller nous réfugier sous notre tente. Faby m’a même aidée à manger tellement je tremblais, quand j’y repense maintenant, je devais certainement être en hypothermie.
 
Une fois dans nos tentes, je peux dire que c’est la pire nuit que j’ai jamais passée. Je n’ai pas fermé l’œil et je pense que je n’étais pas la seule. Le vent menaçait de faire s’envoler ou de déchirer nos tentes à chaque instant. La pluie incessante faisant un tel bruit sur la toile que nous ne nous entendions même pas parler… Une véritable folie!
 
 

Interminable grimpette dans les pierriers. Zagathe pousse sur ses bâtons!

Un enfer parfois, un calvaire souvent
 
Le lendemain matin, nous nous étions donné rendez-vous à 5h avec les copains. Nous avions décidé de partir grand matin étant donné le rythme que nous avions la journée, pour arriver avant 18h au refuge pour pouvoir réserver nos repas du soir…
 
Au réveil de Yann, le vent et la pluie toujours de rigueur dehors, je lui dis: «Bon là il faut qu’on réfléchisse! On peut pas sortir par ce temps, c’est nous qui les avons emmenés dans ce calvaire, qu’est-ce qu’on va faire???» et là, sa réponse sans équivoque: «Y’a pas à réfléchir, on y va, de toute façon on n’a pas le choix!»… Bon ben au moins c’était clair!
 
On mange 2-3 biscuits, refait nos sacs, comme chaque matin et on sort, 5h pétantes, dans la tempête, le froid et le brouillard…
Et là, personne! À part mon Djé, toujours présent à l’appel. Mais aucune trace de Faby, René-Fred, Marie et Fabrice!

Djé part voir dans leurs tentes… ils sont là, pas prêts du tout, encore dans leurs duvets, persuadés qu’on ne pouvait pas partir dans ces conditions!!! «Allez hop les copains! Pas le choix! Courage! Dans un quart d’heure, on est parti!»
 
Et un quart d’heure plus tard nous nous engagions sur les sentiers, pour une nouvelle rude journée. Mais plus nous descendions, plus le temps s’arrangeait. Nous offrant de nouveau des panoramas extraordinaires, des paysages à couper le souffle et des émotions intenses d’émerveillement qui nous ont fait continuer d’avancer, coûte que coûte, jusqu’au bout du bout…
 
 

2ème jour, jour le plus long (15h de marche). Les jambes de Zagathe et Faby sont encore là, en direction du Monte Cinto, mont le plus haut de Corse, 2 706m d’altitude

Le GR20, extrême dans tout!


Pour sûr, ce GR20 n’est pas accessible à tous, loin de là!
Quand j’y repense, à certains moments, nous avons été de vrais warriors, vraiment, c’était l’enfer!
Un enfer parfois, un calvaire souvent, une interminable épreuve mais ce GR est prodigieusement beau, à la hauteur de sa difficulté.
 
Chaque jour je me levais le corps douloureux, ankylosé par les efforts physiques de la veille, par les conditions de couchages plus qu’inconfortables (matelas crevés, tentes montées sur des cailloux ou des racines qui vous rentrent dans les côtes, le dos…), les nuits blanches.

Mais chaque jour je me disais chouette, qu’est ce qu’on va encore découvrir aujourd’hui, quel panorama de dingue va me couper le souffle, quelle rivière glacée va nous rafraîchir les idées et nous tonifier le corps, quel spectacle paradisiaque va nous être offert?
 
Car c’est bien ça le GR20, extrême dans TOUT!
Nous avons tous vécu des moments incroyables, mémorables, indescriptibles.
Tellement fiers et soulagés, exaltés et exténués d’avoir réussi à venir à bout de ce parcours incroyable… Nou la fé! Nou la survécu!

Et hop la ptite larme qui coule dans mes yeux tellement je suis heureuse d’y être arrivée, et une deuxième ptite larme en voyant celle dans les yeux de ma chérie douce, tellement fière d’elle je suis, de nous tous. Cette sensation ne ressemble à aucune autre et je souhaite à chacun de la vivre. Mais attention, le GR20 se mérite! Alors tous à vos baskets!!!
 
Roland Chane
 
 
 

Yann dans l'immensité du pierrier menant au refuge Ciottulu di i Mori
Agathe l’abeille «J'ai créé l'association Zig-Zag il y a 5 ans maintenant. J'en suis la présidente et la coach. Yann est mon trésorier et ma zentille secrétaire. Le nombre de Zigzageurs varie chaque année. Cette année avec la crise Covid nous ne sommes pas plus d'une douzaine à nous accrocher et à continuer de nous entraîner chaque mardi et jeudi ensemble. Et certains week-ends, on fait une sortie sentiers ou des week-ends choc (le prochain est prévu le 11 septembre ).

Nous nous étions inscrits sur diverses courses mais toutes été annulées jusqu'à présent.
Concernant celles du Grand Raid 2021, seuls 3 Zig-Zagueurs se positionneront sur le Trail de Bourbon et 2 sur la Diagonale. Ils sont motivés et déterminés, n'ont rien lâché de l'année, et dans les conditions déplorables d'incessantes interrogations actuelles, j'admire leur ténacité.
On croise les doigts pour que le départ soit donné mais beaucoup d'appréhension quant aux conditions de courses qu'ils vont trouver... On verra bien! Mais chacun est bien décidé à donner le meilleur et à aller jusqu'au bout du bout»...
 
 

On ne mettra que nos pieds dans cette petite rivière, créée par l'eau glacée de la fonte des neiges

Un des nombreux cols avant d'arriver au Lac De Capitellu

Montée escarpée et glissante. Pas évident de ne pas se faire emporter en arrière avec les gros sacs à dos...

Brèche de Capitellu, descente périlleuse en rappel sur une chaîne…

Fabrice, Zagathe, Yann et Djé. Le dénivelé est rude! On pousse sur les cuisses!

Zagathe qui se lance et Marie. Parfois le GR20 prend des allures de Via Ferrata

Zagathe pas rassurée devant cette descente qui l'attend. Yann ouvre la voie

Les lacs Melu et Capitellu: une caractéristique de la beauté de ce GR20

Une formidable équipe solidaire qui a réalisé de beaux «z’exploits»…

Toutes les photos dans cet album






























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