Fabienne Atzori, Alain Chateauneuf et Aurélie Police
Le ressort de la cour d'appel de Saint-Denis couvre La Réunion et Mayotte, se composant ainsi: la cour d'appel de Saint-Denis, une chambre d'appel à Mamoudzou, trois tribunaux judiciaires (Saint-Denis, Saint-Pierre et Mamoudzou), trois tribunaux mixtes de commerce (aux mêmes lieux), deux tribunaux de proximité (Saint-Paul et Saint-Benoît), et trois conseils de prud'hommes (Saint-Denis, Saint-Pierre et Mamoudzou).
Concernant justement les prud'hommes à Mayotte, jusqu'à présent, c'est un tribunal du travail présidé par un magistrat avec des assesseurs de la société civile qui jugeait les contentieux employeurs-salariés. Alain Chateauneuf a annoncé qu'un véritable conseil de prud'hommes sera installé mi-février à Mayotte par lui-même et Fabienne Atzori.
Sur l'activité globale de la cour d'appel, le premier président a confirmé qu'elle a repris des couleurs par rapport à 2020, année compliquée avec la crise sanitaire, les confinements et le mouvement des avocats. "Il y a eu un rattrapage des retards et il faut remercier les magistrats et les personnels judiciaires pour leur implication et leur disponibilité".
Autre point de satisfaction, les délais de traitement des dossiers: "Le délai moyen de traitement (tous contentieux) pour la cour d'appel est de 14,8 mois contre 17 mois au niveau national. Pour la chambre des appels correctionnels, le délai local est de 10,1 mois comparé aux 14,9 mois du national".
Nous ne rentrerons pas dans les chiffres des affaires civiles et pénales, ce qui serait fastidieux pour le lecteur, disons juste que par rapport à 2020, les affaires nouvelles au civil sont en baisse à La Réunion et en hausse à Mayotte en 2021.
Alain Chateauneuf, premier président de la cour d'appel de Saint-Denis
La cour criminelle départementale, un succès
Le point noir de la cour d'appel reste l'activité pénale qui reste tendue. "La cour d'assises de La Réunion a siégé pendant 150 jours au lieu de 100 jours précédemment, et fort heureusement a été mise en place la cour criminelle départementale, expérimentée aussi dans d'autres départements, ce qui a permis de traiter plus d'affaires" explique Fabienne Atzori, procureure générale.
Cette cour criminelle départementale est composée de trois magistrats professionnels, sans jury populaire, et juge des crimes pouvant être punis de 15 à 20 ans de prison, elle a traité 25 dossiers en 2021. "Cette juridiction a été critiquée par les avocats mais elle a trouvé sa place et permet des jugements plus rapides, il ne s'agit aucunement d'une cour dégradée, et cela va être généralisé partout en France" précise Fabienne Atzori.
Sur le sujet des effectifs, Alain Chateauneuf se réjouit que les juridictions locales soient bien pourvues, deux postes de juges ayant été récemment créés à Saint-Denis et à Saint-Pierre: "Malgré tout, le travail à effectuer est énorme, pour exemple, il y a eu 3 325 gardes à vue en 2021 à Saint-Denis, soit une moyenne de 9 par jour! La création d'un dixième poste a été demandée" dit le premier président de la cour d'appel.
"Même si nous sommes à effectif plein par rapport à ce qui était prévu, on ne peut pas nier qu'il existe une situation de tension pour les magistrats et les personnels judiciaires".
"Nos collègues sont pris dans un tourbillon, ils ne comptent pas leurs heures, ils font tout en même temps, répondre au téléphone, traiter des mails, préparer les dossiers,... Au bout d'un moment, certain.e.s peuvent craquer" dit Fabienne Atzori.
Fabienne Atzori, procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis
Des conditions de travail dégradées
Le sujet de la tribune publiée par "Le Monde", signée par plusieurs milliers de magistrats et greffiers fin 2021, dénonçant leurs conditions de travail, n'a pas été éludé par Alain Chateauneuf et Fabienne Atzori lors de cette conférence de presse.
Pour Fabienne Atzori, "cette tribune a mis en avant le mal-être de la profession, les collègues ont besoin d'exprimer les tensions et d'être écoutés. Les tensions sont dues à un seuil d'exigence de plus en plus élevé dans l'application de la loi, et par une trop grande diversification des missions des magistrats. Il y a aussi la question de l'indépendance du parquet qui doit être traitée. Nous allons évidemment continuer à écouter et à soutenir nos collègues..."
"Il y a 9 000 magistrats en France, les collègues vivent une dégradation de leurs conditions de travail, un manque de moyens et un manque de considération" explique le premier président. "L'institution judiciaire compte beaucoup sur la conscience professionnelle et le dévouement des personnels, mais il s'agit d'abord de revoir l'organisation, de définir la charge de travail d'un magistrat, et de réfléchir à des délais raisonnables pour les procédures".
En tout cas, en 2022, la cour d'appel, malgré les problèmes à résoudre au sein de l'institution, espère bien continuer sur la lancée de 2021, avec des résultats à la hauteur.
Aziz Patel
Aurélie Police, nouvelle conseillère à la Chambre sociale de la cour d'appel de Saint-Denis, juste avant elle était vice-présidente au tribunal de Paris
"Nos chiffres sont meilleurs qu'en métropole, mais on pourrait toujours faire mieux" dit Alain Chateauneuf
"Nos collègues ont besoin d'être écoutés et soutenus" dit Fabienne Atzori
Pas d'audience solennelle de rentrée comme à l'accoutumée en raison du contexte sanitaire, mais une présentation du bilan à la presse