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Lundi 25 Janvier 2021


La NRL, "route la plus chère du monde" selon Capital, et loin d'être terminée...



"La route à 2 milliards d'euros de La Réunion sera-t-elle terminée un jour?" a écrit notre confrère Capital dans un article paru le 14 janvier 2021 (il y a 10 jours donc). Le basculement de la route actuelle en raison des pluies continue à poser d'insolubles problèmes de circulation tandis que l'approvisionnement en roches pour terminer cette NRL est toujours incertain.



Notre confrère "Capital" a publié un article sur la NRL il y a quelques jours

Déjà en juin 2020, Médiapart avait publié un article intitulé "Route du littoral: un fiasco organisé", et en ce début 201, c'est donc le site de Capital qui a publié un article sur la NRL, laquelle, décidément, fait couler beaucoup d'encre et de salive...


Lancé fin 2013 par la Région Réunion, cette Nouvelle Route du Littoral devait se terminer en... 2020. On est déjà en 2021 et on n'est pas prêt de voir le bout du chantier. Selon la collectivité, qui a fait publier un droit de réponse à l'article de Capital, "dès 2021, la NRL sera ouverte sur plus de la moitié de son tracé, soit 7km sur 12,7km au total, entre Saint-Denis et la sortie de la Grande Chaloupe, au moyen d’un raccordement provisoire à l’ancienne route... la livraison totale du chantier étant prévue d’ici début 2024".


Tous les usagers de la route actuelle peuvent se rendre compte que le chantier concernant la digue avance à pas d'escargot, et le magazine économique l'écrit: "Depuis septembre dernier, les travaux ont repris mais à un rythme extrêmement lent en raison des conditions sanitaires. La NRL est aujourd’hui achevée à 80%, le viaduc étant déjà prêt à l’usage, mais les doutes au sujet de son aboutissement ne faiblissent pas. Les surcoûts et les retards se sont accumulés portant le coût total à près de 2 milliards d’euros..."


Au départ, la NRL devait coûter 1,66 milliard d'euros, on en est donc à 2 milliards, et peut-être plus d'ici la fin du chantier, ce qui porte "le coût du kilomètre à 
environ 160 millions d’euros le kilomètre! C’est 20 à 30 fois plus qu’une simple autoroute dont le prix de construction pour un kilomètre s’élève en moyenne à 6,2 millions d’euros selon le SETRA -Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements" précise Capital. 


 

Route basculée = cauchemar et crainte d'éboulis (photo FTV)


La plus chère et la plus longue durée de travaux!

La Réunion va donc détenir un nouveau record, celui de la route la plus chère au monde, ce que dément la Région en écrivant: "Ce coût est moins élevé que celui d'autres axes de circulations construits récemment en France, en Europe ou dans le monde, avec des fonctionnalités souvent moindres (par exemple, absence de voies pour les transports en commun et les modes doux de déplacement)".


Ce à quoi Capital rétorque qu'il faut comparer ce qui est comparable, "les
axes routiers en question étant équipés de postes de péage ou dotés d’infrastructures annexes telles que des tunnels, des voies de chemin de fer ou même des îles artificielles..."

 
Il y aura sans doute un autre record à venir, celui du chantier routier le plus long du monde en terme de durée pour un tronçon de 12,7 km, car au vu du nombre de tonnes de roches qui manque pour combler l'océan et élever la route à la même hauteur que le viaduc, on voit mal comment la digue pourrait être terminée fin 2023 comme le promet la Région. 


Toujours est-il que si on avait opté pour une route entièrement en viaduc, il y a longtemps que la NRL serait terminée. Pour justifier cette option non retenue, la Région a déjà expliqué que cela aurait coûté plus cher que le 1,66 milliard prévu, argument qui ne tient plus parce que cela coûte déjà beaucoup plus cher à ce jour, et qu'il s'agissait de "donner de l’activité aux entreprises réunionnaises" , essentiellement aux transporteurs.


Quand bien même la solution tout-viaduc aurait été choisie, certains experts estiment que les entreprises réunionnaises, transporteurs inclus, auraient eu du travail pour ce chantier titanesque. 

 

En mai, cela fera 2 ans que le viaduc a été raccordé. Il est très beau, mais il sert à quoi?



Et on ne parle pas de la question environnementale, plusieurs recours ayant retardé le chantier. On se souvent que le CNPN -Conseil National de la Protection de la Nature- avait donné raison aux associations qui mettaient en avant la protection de l'environnement en "refusant d’accorder une dérogation au Conseil régional concernant l’utilisation de la carrière de Bois Blanc à Saint-Leu". Sans compter les espèces protégées autour de la route et dans la mer qui ont aussi fait l'objet de recours. 


La Région répond qu'elle "a choisi d’inscrire le projet NRL dans une démarche exemplaire de préservation d’un site considéré comme “hotspot” mondial de la biodiversité. 80 millions d’euros (valeur 2010), soit 5% du budget global est consacré au volet environnement, contre 1 à 3% en moyenne pour les chantiers d’envergure équivalente". Il faut constate que si la solution tout-viaduc avait été choisie, ces problèmes de carrières et d'espèces menacées ne se seraient pas posés...


Il y a aussi la problématique de l'entrée Ouest de Saint-Denis, car là aussi, rien n'a été définitivement acté, la Région Réunion et la Mairie de Saint-Denis se renvoyant la balle, les clivages politiques n'arrangeant pas les choses avec les élections régionales qui arrivent. Une fois qu'on aura ouvert la demie NRL, tous les usagers venant de l'Ouest seront forcément en attente sur le viaduc et sur la portion actuelle entre la Grand Chaloupe et La Possession, l'entrée de Saint-Denis constituera un blocage. Dans l'autre sens, ce ne sera pas mieux, le blocage se faisant à partir du nouveau pont de la Rivière des Galets, avec Cambaie et Savannah comme entonnoirs.


A coup de 30 000 nouveaux véhicules par an sur nos routes, il n'y a aucune raison logique que les choses s'améliorent. On nous parle d'un train qui circulera de Saint-Benoît à Saint-Pierre en passant par Saint-Paul, censé inciter les gens à moins prendre leur voiture, pourquoi pas, mais il sera opérationnel quand ce train? En 2050? 30 ans c'est déjà très long, et aucun coup de pioche concernant ce nouveau mode de déplacement n'a été donné à ce jour. 


 

Les travaux de la partie digue avancent à pas d'escargot... (photo journal.re)

Aménagements routiers à revoir

Pas besoin de sortir de l'ENA pour constater que nos politiques ont une vision à court terme, celle de leur mandat, et les grands experts qui planchent sur les dossiers ne sont pas meilleurs dans la mesure où ils ne seront plus là quand le projet aboutira.


Le manque d'anticipation au sujet des infrastructures routières est hélas flagrant à tous les niveaux. On peut donner plusieurs exemples: les rond-points du Boulevard Sud aux heures de pointe, l'échangeur de Savannah, l'entrée et la sortie de Saint-Pierre avec le rond-point Mc Do et celui des Casernes, la traversée du Tampon, le carrefour de Saint-Benoît avant le rond-point des Plaines, et j'en passe...  


Contestations d'attribution de marché, enquête judiciaire, recours divers et variés, grèves des transporteurs, surcoûts non encore définitifs, le bilan, objectif, de la NRL est juste désastreux. Les grands experts qui ont étudié le projet "pendant des décennies" paraît-il ont-ils fait preuve d'incompétence? La politique politicienne a-t-elle eu le dessus sur l'intérêt général? Cette NRL sera-t-elle terminée un jour, et si oui quand précisément, les délais promis n'ayant jamais été respectés?


Les questions demeurent, les réponses restent évasives ou au mieux diluées dans des explications bien emballées. Les élections régionales étant prévues en juin et préoccupant tous les prétendants à la pyramide inversée, d'ici là, il y a de fortes chances que rien n'avance vraiment.


 

Pour faire la route digue, il faut d'abord combler l'océan, puis monter la route à plus de 10 mètres de hauteur, il faut juste imaginer les tonnes de roches nécessaires... (photo Les Echos)

"Il n’y a rien de plus stupide qu’une route qui ne mène nulle part"...


La route actuelle a été basculée cette semaine et le sera encore, avec tous les aléas possibles et imaginables (machines de basculement en panne, accidents, voitures en panne dans le canal bichiques, risque d'éboulis,...), ce qui constitue un cauchemar pour les 80 000 usagers quotidiens. Ils regardent tous avec inquiétude la montagne qui peut s'effondrer et le beau viaduc qui se trouve dans la mer et se disent: "Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu pour mériter ça?"... 


En juillet 2020, Bruno Le Maire, Ministre de l'Economie, interpellé par le député Jean-Hugues Ratenon, avait dit: "Il n’y a rien de plus stupide qu’une route qui ne mène nulle part" et rajoutant: "J’ai eu l’occasion de voir cette magnifique route inachevée. Après tout, si le plan de relance permet d’achever une route aussi importante au développement de La Réunion que la route du littoral, je pense que nous aurons fait œuvre utile"... 7 mois plus tard, on ne voit rien bouger hormis quelques engins qui essayent désespérément de combler la mer.


Bientôt 8 ans de travaux, et rien à l'horizon sinon une promesse d'ouvrir une demie-route fin 2021... Quand la NRL sera vraiment terminée en entier, on dira ouf, mais il faudra déjà penser à sa maintenance, entre la houle menaçante et le niveau de la mer qui monte petit à petit, la génération à venir aura encore à gérer des débats polémiques sur la NRL et son devenir...

Aziz Patel
 


 

Droit de réponse de la Région Réunion

Suite à l'article publié par "Capital", la Région Réunion a adressé au magazine un droit de réponse qui a été publié. Pour une vision objective de ce dossier sensible, nous publions ce droit de réponse en intégralité, certains propos ayant déjà été repris dans l'article ci-dessus.


"La Nouvelle Route du littoral, solution la plus adaptée pour garantir la sécurité des usagers réunionnais.

Le chantier de la Nouvelle Route du Littoral est un chantier réunionnais, français et européen qui permettra à la fois de résorber un risque naturel majeur auquel sont exposés les usagers de la RN1 entre Saint-Denis et La Possession, et de moderniser un axe essentiel de l’île de La Réunion : une route actuelle vieillissante qui subit régulièrement des chutes de blocs et éboulements ainsi que des effondrements en masse. Depuis son ouverture en 1976, ces phénomènes ont entraîné 22 décès. L’éboulis du 27 janvier 2020 qui a causé un blessé souligne une fois de plus la dangerosité de cette route. Par ailleurs, l’impact économique des fermetures et des basculements de la route actuelle est extrêmement préjudiciable à l’activité sur le territoire. En réponse, la Région Réunion a décidé de lancer en 2013 le chantier de la NRL qui permettra aux 80 000 usagers quotidiens de cet axe de relier en toute sécurité le Nord et l’Ouest de l’île. Le budget de l’opération, d’un montant de 1,66 milliard d’euros (valeur 2010), a été acté lors des Accords de Matignon, le 14 octobre 2010. L’opération NRL, nécessaire pour sécuriser d’abord, fluidifier ensuite un axe vital pour le territoire, contribue également à donner de l’activité aux entreprises réunionnaises, élever le niveau de formation dans le BTP et créer de l’emploi local.  

La route, réalisée à 80 % à ce stade, bénéficiera d’une mise en service anticipée.

Aujourd’hui, 80 % du chantier est réalisé. L’objectif de la collectivité régionale est de terminer la construction de la NRL dans les délais les plus resserrés possible, et au coût le plus juste pour le maître d’ouvrage. La réalisation de la digue de 2,7 km entre la Grande Chaloupe et La Possession, qui est la solution retenue pour la poursuite du chantier, privilégiera les approvisionnements en matériaux locaux, en particulier la récupération d’andains. L’État a expertisé les différents sites où ont été récupérés des andains à ce stade. Il a constaté un gain de surfaces agricoles pour les exploitations ; un meilleur aménagement de l’espace ; une plus grande protection contre l’érosion. Si l’ouverture de carrières de roches sur l’île reste à ce stade en suspens, la raréfaction des matériaux à La Réunion, déjà génératrice de surcoûts importants dans le domaine de la construction, imposera que l’on apporte tôt ou tard des solutions autres que la collecte d’andains, qui présente nécessairement un caractère provisoire et limité. Dès 2021, la NRL sera ouverte sur plus de la moitié de son tracé, soit 7km sur 12,7km au total, entre Saint-Denis et la sortie de la Grande Chaloupe, au moyen d’un raccordement provisoire à l’ancienne route. C’est une solution qui permettra aux usagers d’utiliser dès que possible les 9 km réalisés, jusqu’à la livraison totale du chantier prévue d’ici début 2024.

80 millions d'euros, soit 5 % du budget global, sont investis pour l'environnement
La Région Réunion a choisi d’inscrire le projet NRL dans une démarche exemplaire de préservation d’un site considéré comme “hotspot” mondial de la biodiversité. 80 millions d’euros (valeur 2010), soit 5% du budget global est consacré au volet environnement, contre 1 à 3% en moyenne pour les chantiers d’envergure équivalente.

La NRL est une infrastructure utile et nécessaire, financée à un juste prix

La Nouvelle Route du Littoral coûtera 1,66 milliard d'euros (valeur 2010) pour une 2x2 voies de 12,7 km, avec une emprise pour un futur transport collectif en site propre, un dimensionnement pouvant supporter un système ferré de type tramway. Ce coût est moins élevé que celui d'autres axes de circulations construits récemment en France, en Europe ou dans le monde, avec des fonctionnalités souvent moindres (par exemple, absence de voies pour les transports en commun et les modes doux de déplacement)."

 


Aziz Patel
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