L’hémicycle du Département, en présence du président Cyrille Melchior, de la vice-présidente en charge de l’éducation, du président de la Commission Culture Education, et de la présidente du Conseil Départemental des Jeunes (CDJ), a accueilli des témoins et des héritiers de cette histoire. Une rencontre intergénérationnelle pour la transmission mémorielle mais aussi pour témoigner des grandes avancées intervenues grâce à ce changement de statut.
Ces témoins,"enfants de la départementalisation" et ces jeunes, nés après la décentralisation, ont échangé sur le passé pour préparer l'avenir.Raconter, témoigner et expliquer ont été les objectifs de cette matinée d’échanges.
La Réunion entame, au lendemain du 19 mars 1946, son plan de rattrapage pour un développement comparable aux territoires de l’Hexagone. Au fil des ans, des avancées importantes seront faites dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de l'habitat, de l’égalité sociale, du développement économique, de la promotion de la culture et du sport, de l’ouverture sur l’Europe et l’Océan Indien, ainsi que la prise en compte de l’importance de l’environnement et de l’écologie. Pour
a
Dominique Vienne, président du CESER (Conseil Economique Social Environnemental Régional) présent ce jour, a dit: «Avec la Départementalisation, nous avons su surmonter les fractures sociales ».
Dans une vidéo introductive, Raymond Lauret, ancien enseignant plante le décor. Il y raconte les différentes étapes qui ont mené à la départementalisation. La guerre 1939-1945, la victoire du Général de Gaulle …
«En 1945, le gouvernement français décide de lancer des élections, pour élire des députés qui constitueront l’assemblée constituante de la France. Les deux députés élus Raymond Vergès et Léon de Lepervanche rejoindront à Paris leurs homologues Aimée Césaire, député de la Martinique et les autres députés de la Guadeloupe et de la Guyane. Ils obtiennent que notre pays devienne un département français. Si le Général de Gaulle n’avait pas lancé son appel, peut-être qu’aujourd’hui nous serions toujours une colonie. »
«En 1945, le gouvernement français décide de lancer des élections, pour élire des députés qui constitueront l’assemblée constituante de la France. Les deux députés élus Raymond Vergès et Léon de Lepervanche rejoindront à Paris leurs homologues Aimée Césaire, député de la Martinique et les autres députés de la Guadeloupe et de la Guyane. Ils obtiennent que notre pays devienne un département français. Si le Général de Gaulle n’avait pas lancé son appel, peut-être qu’aujourd’hui nous serions toujours une colonie. »
Le cadre est posé, les personnalités s’expriment et échangent avec les jeunes.
Guy Dupont, pour le Développement Territorial ; Régis Moreau, Adam Ravate, Pascal Thiaw-Kine pour l’entrepreunariat ; Jean-Pierre Avril pour l’agriculture ; Jean-Marie Dupuis pour le tourisme ; Raymond Nando pour l’éducation ; Axel Royé et Raymond Lauret pour le sport ; Roger Ramchetty pour la culture ; Sonia Ribes pour l’environnement ; Aristide Payet pour le social ; Wilfrid Bertile pour la mobilité, expliquent en quoi la Départementalisation a permis à notre île d'évoluer pas à pas et de rayonner aujourd’hui dans l’océan Indien et même au-delà.
Un vivre ensemble uniquePour Shyrel Gouraya Moussalaya, la présidente du CD Jeunes: «Je vous remercie de nous avoir consacré cette matinée. C’est un moment très enrichissant. En tant que jeunes, nous nous engageons à poursuivre ce développement pour améliorer encore plus les conditions de vie de chaque Réunionnais».
Des jeunes impliqués et curieux qui ont posé des questions pour mieux comprendre quel était le contexte de l’époque, par exemple en matière de santé avec une mortalité infantile très importante qui a pu être stoppée avec l’installation des PMI (Protection Maternelle et Infantile) et l’arrivée de la vaccination.
Pour l’historien et universitaire, Mario Serviable «A quoi sert une commémoration, je reprendrais les mots de Robert Badinter, «ça sert à trois choses, à revenir aux sources, à dresser le bilan et à ouvrir de nouvelles voies».
Ce dernier a conclu la matinée avec une synthèse des témoignages et échanges, riches en mémoire sur cette Loi qui a probablement changé le destin de l’île de La Réunion.Le constat est impressionnant. Le changement de statut a permis à La Réunion de bénéficier pleinement des revenus de transferts et des aides à l’investissement de la métropole et de l'Europe grâce à notre statut de région ultra-périphérique (depuis 1992).
220 000 habitants en 1946, La Réunion compte désormais 860 000 habitants qui bénéficient d’un système de santé performant, d’une économie dynamique et diversifiée portée par plus de 30 000 entreprises. Avec plus de 600 établissements scolaires, le système éducatif donne les moyens de la réussite à des milliers de jeunes Réunionnais. L’université de La Réunion forme chaque année environ 20 000 étudiants.
L’agriculture a aussi su s’adapter pour répondre aux besoins de la population. Grâce à des ambassadeurs comme Danyel Waro ou encore Firmin Viry, la culture, avec notamment le maloya qui s’exporte au-delà de nos frontières et qui est inscrit au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité ( depuis 2009).Un rayonnement qui est désormais reconnu à l’international avec l’inscription des pitons, cirques et remparts au patrimoine mondial de l’Humanité, un atout considérable pour le développement du tourisme.
75 ans de Départementalisation où chaque Réunionnais, de par son histoire identitaire, a su construire un vivre ensemble unique.Pour le Département de La Réunion, chef de file de l’action sociale, "de nombreux défis restent encore à relever. Si sur le plan humain, La Réunion est devenue un territoire de résilience, de bienveillance et d’excellence , il appartient à ses enfants, adultes de demain, de concilier le "bien vivre ensemble avec le bien travailler ensemble".
Photos Bruno Bamba (com CD)
Les témoins
Guy Dupont, ancien DGS de Collectivités Territoriales :
« On a construit des immeubles en R+3, R+4 pour loger le plus grand nombre de familles possible et les sortir des bidonvilles. Il fallait y aller massivement et c’est ce qui s’est fait dans les années 60-70. »
Régis Moreau, Directeur de Royal Bourbon Industries :
« On a démarré avec ce qu’on appelle « la vente à la Chine », on chargeait la camionnette le matin. On faisait la tournée des boutiques chinois, on vendait et on encaissait l’argent. Avec la Départementalisation, nous sommes passés d’une société où il y avait très peu d’offres à une société avec une offre gigantesque… »
Adam Ravate, Directeur Général du Groupe Ravate :
« Le père fondateur était marchand de charbon. C’est après la Départementalisation qu’il a compris ce que c’était la construction. Il s’est dirigé vers l’habitat. A partir de là, il a fait des campagnes dans les forêts pour couper le bois, pour apporter le nécessaire pour qu’on puisse construire ; ça a été un progrès extraordinaire. Les familles sont passées de la case en paille à des constructions solides.»
Jean-Pierre Avril, exploitant agricole :
« Les agriculteurs étaient des gens qui étaient vraiment malheureux. Pas beaucoup de formation, pas beaucoup de revenus, habitant dans des maisons isolées, mal équipées. Moi j’ai connu l’électricité quand j’ai eu 18 ans. L’eau courante est arrivée un peu avant. On s’est inscrit dans le progrès. Il y a eut les formations, on nous a donné des terres, on a aidé au financement et on a mis en place les coopératives. »
Jean-Marie Dupuis, Président du Conseil de Surveillance de Bourbon Voyages :
« Je me suis dit que ce n’est que dans le tourisme qu’on développera quelque chose. Nous on a fait le Récif, on a fait les Créoles, les Brisants et les Villas du Lagon… Nous n’aurions pas pu arriver à un tel développement si nous avions un autre statut que le departement. »
Raymond Nando, professeur à la retraite :
« A cette époque là l’éducation était basée sur une certaine discipline. Tous les matins les élèves étaient en rang et attendaient que les professeurs viennent les chercher. Et durant mes années à l’Ecole Normale, on nous apprenait la pédagogie comment enseigner… Le professeur était quelqu’un qu’on respectait. »
Axel Royé, Conseiller Technique Régional de Football :
« Il y avait des relations entre les îles. Des relations qui ont été concrétisées par la ligue Réunionnaise de Football. Grâce à des associations, telles que l’ORESSE, le CROS, il y a eu une forme de passage de pouvoir entre l’Etat et les associations sportives réunionnaises. La Départementalisation a surtout rapproché La Réunion de la mère patrie. Avant la Départementalisation, aller en métropole n’était pas facile. Beaucoup d’athlètes réunionnais auraient pu faire carrière en métropole.»
Roger Ramchetty, Président du Conseil de la Culture, de l’Education et de l’Environnement
« On n'allait pas au spectacle. Dans les années 70, on a commencé à avoir des projections de films en plein air autour du village artisanal de Saint-Gilles comme on l’appelle aujourd’hui. La musique on l’entendait à l’occasion des mariages avec les orchestres en cuivre. Et puis, avec la Départementalisation, on passe de la salle verte au magnifique Théâtre Saint-Gilles, ça marque l’imaginaire de l’enfant que je suis, c’est un bond extraordinaire. »
Sonia Ribes-Beaudemoulin, ancienne Conservatrice du Muséum d’Histoire Naturelle de La Réunion :
« Défricher pour les habitations, défricher pour les cultures pour nourrir les habitants, c’est ainsi que tout le pourtour de l’île sur le littoral a été modifié jusque dans les cirques. Aujourd’hui, il reste 30 % de cette végétation à peu près intactes. Et ces 30 % ont été inscrites au Patrimoine Mondial de l’humanité. Il appartient aux Réunionnais de transmette aux générations futures cette végétation, ce bien qui est unique car il contient des espèces qui n’existent nulle par ailleurs qu’à La Réunion. »
Aristide Payet, Président de l’Union Départementales des Associations Familiales (UDAF) :
« De 1975 à 1985, l’évolution de la Départementalisation se traduit par des lois qui sont progressivement appliquées à La Réunion avec notamment la création de la CAF en 1972, la mise en place des études surveillées, les colonies de vacances… c’est le début de la prise en compte des situations familiales… »
Wilfrid Bertile, Professeur des Universités et ex secrétaire Général de la COI :
« La migration vers la métropole a été une conséquence de la Départementalisation puisque la Départementalisation s’est traduite par une amélioration des conditions sanitaires de la population. Cette dernière a considérablement augmenté. Il y avait des problèmes de débouchés, de formations et il y avait aussi beaucoup de misère… c’est comme cela que beaucoup de jeunes ont été amenés à partir en métropole par le biais du Bumidom.