C'est à l'hôtel Ness by D-Ocean à la Saline-les-Bains, propriété de Jean-Jacques Dijoux, que la presse locale avait été conviée à cette explication de texte. Et c'est lui, actionnaire majoritaire et président du conseil d'administration de Média Capital Réunion (MCR), qui a d'abord pris la parole.
"Je suis déjà présent dans l'immobilier et l'hôtellerie, je suis un chef d'entreprise qui s'implique dans le tissu économique local. Quand une entreprise est en difficulté, si on peut la sauver, il me semble nécessaire de le faire si le potentiel existe. J'ai investi dans Air Austral, et j'ai investi dans la reprise du Quotidien qui est une identité forte dans le paysage de la presse réunionnaise et avec notre projet, nous avons sauvé des emplois" dit Jean-Jacques Dijoux en se décrivant comme un homme discret. Si c'était le cas avant, ce ne l'est plus aujourd'hui, tous les projecteurs étant braqués sur Le Quotidien et la suite.
"Reprendre ce journal représente une grande responsabilité, il va falloir se mettre vite au travail, mais comme je suis quelqu'un de persévérant, je compte bien m'appuyer sur les équipes pour pouvoir retrouver le succès qu'a connu Le Quotidien par le passé. Nous avons travaillé sur un business plan, et si le journal fonctionne bien, nous embaucherons d'autres personnes dans un deuxième temps. De même il y aura peut-être d'autres actionnaires qui nous rejoindront, mais même s'il n'y en a pas, nous pouvons rester seuls pour la suite".
Précisons que Média Capital Réunion compte un autre actionnaire -minoritaire- en la personne de Jean-Pierre Lallemand, patron d'ABN (Agence Bourbonnaise de Nettoyage).
Le Quotidien sortira 6 jours sur 7 et le tarif va augmenter
C'est donc Henri Nidjam, qui possède quelques journaux en métropole, dont Le Nouvel Economiste, qui sera au plus près de la nouvelle équipe pour mettre en place la stratégie éditoriale du Quotidien. "Digital first", tels sont les premiers mots du directeur général du journal, et cela est symbolique. Le numérique va occuper une place très importante dans ce nouveau projet, et avant la sortie du format papier d'ici le milieu de la semaine prochaine -"le temps de réorganiser l'équipe"- il y a aura déjà du contenu sur le site internet.
Déjà, Henri Nidjam a annoncé que Le Quotidien sortira en 32 pages, imprimé par Safi, la rotative du groupe Chane-Ki-Chune, le temps de choisir définitivement entre Safi et ICP Roto, en fonction des tarifs proposés. Le Quotidien paraîtra 6 jours sur 7: "Du lundi au vendredi, on traitera de l'actualité, et l'édition du samedi sera une édition week-end, "plus magazine". Et on retrouvera toutes les rubriques (politique, économie, social, loisirs, sports, et faits divers), de l'info locale, nationale et internationale".
Au niveau du tarif au numéro, Henri Nidjam n'exclue pas une augmentation: "Dans un premier temps, nous baisserons le prix afin que les lecteurs découvrent le nouveau contenu, mais ensuite il y aura une augmentation dont je ne peux pas vous donner le montant pour l'instant. Ce qui est certain, c'est que 1,20€ c'est une aberration quand en métropole, les prix des journaux sont compris en 1,70€ et 2,10€.
Il y avait une concurrence entre Quotidien et JIR, aucun des deux ne voulait augmenter alors que toutes les charges ont progressé, notamment le prix du papier, et on connaît le résultat pour les deux journaux". Selon nos sources, après une baisse à 1€ pendant un certain temps, le prix du Quotidien pourrait passer à 1,50€, à confirmer...
Produire de la qualité
Concernant la ligne éditoriale, Henri Nidjam estime que "le paradigme a changé. L'unité de valeur n'est plus le journal mais l'article, et il faut que nous ayons la capacité à produire de la qualité, en utilisant tous les modes de diffusion. J'estime que la presse papier a encore de belles heures devant elle, mais elle doit être complémentaire avec le numérique. Aujourd'hui, l'investissement technologique coûte moins cher, il y a une dizaine de logiciels à mettre en place, et on peut aussi externaliser certains services. Je vous rassure toutefois, l'IA (intelligence artificielle), ne remplacera pas le journaliste.
Il y aura toujours la partie actualité, mais à côté de ça, il doit y avoir une valeur ajoutée qui va donner au lecteur les clés de la compréhension de tel ou tel sujet. Il s'agit pour nous de comprendre la sensibilité de notre lectorat et de ne pas imposer nos idées. Les formules "journal de droite ou de gauche" sont désuètes. Notre objectif est d'améliorer le produit afin de séduire le lecteur et c'est lui qui, à un moment, décidera de la fin du papier ou pas" explique Henri Nidjam.
La crise de la presse papier
Au niveau du personnel, MCR s'est engagé à reprendre 15 journalistes sur 27: "Nous avons fait une proposition sans connaître les détails précis de l'entreprise. Nous ne connaissons pas la réalité des dépenses et des recettes, ni la réalité du niveau des ventes. Nous allons analyser tout ça, et à terme, nous ajusterons les embauches nécessaires, c'est une nouvelle aventure qui commence" dit Jean-Jacques Dijoux
D'une manière générale, à La Réunion comme ailleurs, tout le monde a constaté que la presse écrite est sinistrée, certains titres survivant grâce à des subventions publiques, et MCR pourrait avoir besoin de recapitaliser d'ici un an: "C'est vrai, la presse hexagonale papier souffre, mais je suis confiant car nous avons une vision stratégique concernant Le Quotidien" dit Henri Nidjam. "Le digital a affaibli la presse écrite mais paradoxalement l'a aussi sauvée. Nous avons bâti un plan, à nous de faire en sorte que tout fonctionne" .
Etant un observateur de longue date de la presse écrite, Exclusif Réunion sait, par expérience, que la presse papier coûte très cher (frais d'impression, de distribution, charges sociales,...), que les ventes ont énormément chuté, le digital ayant pris le dessus, et surtout que les annonceurs ont déserté le papier au profit d'autres modes de communication (réseaux sociaux).
Mais il est vrai aussi qu'avoir un journal en papier en main, bien présenté, avec des photos imprimées, est toujours un moment apprécié, différent du numérique. Mais c'est bien la jeune génération qui décidera de l'avenir de cette presse papier, aujourd'hui bien mal en point. "Digital first" a dit Henri Nidjam à deux reprises au moins, il faut parfois savoir lire entre les lignes...
Aziz Patel
Photos DR
La dernière Une du Quotidien de l'ère Chane-Ki-Chune, est parue ce jeudi 4 avril, un numéro historique. Le Quotidien va renaître de ses cendres prochainement avec MCR...
Comment vérifier la véracité des chiffres des tirages?
N'importe quel média papier peut annoncer n'importe quel chiffre de tirage, pour le lecteur et l'annonceur il est difficile d'être sûr du chiffre annoncé.
L'ACPM, l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias, a pour mission la mesure de l'audience de la presse et la certification du nombre d'exemplaires tirés et vendus. Et la certification de la diffusion d’un titre -ou de la fréquentation d’un site-, est un gage de fiabilité. Encore faut-il faire appel à l'APCM et payer une adhésion.
A La Réunion, parmi les titres papier, seul Le Quotidien de La Réunion affichait le logo APCM, et sur le site de l'APCM, les vrais chiffres du Quotidien sont affichés: la diffusion France payée pour l'année 2023 était en moyenne de 10 990 exemplaires.
Pour les autres titres, ils annoncent le tirage qu'ils veulent bien mais il n'y a aucune garantie de fiabilité. En 2024, à La Réunion dire qu'un média papier tire à 20 000 exemplaires est juste une volonté de grossir le chiffre. Non seulement il n'y aura jamais 20 000 personnes pour acheter un journal ou magazine dans l'île, mais en plus le coût d'impression de 20 000 exemplaires est hallucinant, d'où l'impossibilité pour un éditeur de payer une telle somme.
A la fin du siècle dernier et début des années 2000, oui, la presse papier a connu ses heures de gloire et les tirages étaient très importants, mais depuis les années 2023-2014 et le développement accéléré de l'internet et des réseaux sociaux, les chiffres n'ont pas cessé de baisser.
Le marché publicitaire a besoin de chiffres fiables et incontestés pour investir dans les médias, et pour être certain du chiffre du tirage, il suffit de demander à l'éditeur de vous montrer une facture de l'imprimeur et vous connaîtrez le vrai chiffre. Vous pouvez aussi avoir une idée du succès d'un média papier en discutant avec votre marchand de journaux. CQFD.